Hyperémèse

Je me regarde dans la glace et je ne m’y reconnais plus. Il n’y a plus de joues. La peau est pâle. Et il y a dans les yeux une fatigue, un épuisement, une lassitude.

Moins six kilos en cinq semaines, ça commence à se voir. Certains patients me demandent avec une certaine anxiété comment je vais. Je souris en disant que ça va.

Je me regarde dans la glace et je ne sais plus quoi faire. J’ai envie de vomir, comme à chaque instant de chaque jour, mais j’ai peut-être aussi un peu faim. Difficile de savoir. Manger peut aussi aggraver le problème. Difficile de s’y retrouver dans ce corps qu’on a l’impression de ne plus connaitre.

« C’est bon signe », me répète-t-on depuis des jours, des semaines. Je n’en peux plus de l’entendre. Tous n’ont que cette phrase à la bouche. Mes souffrances sont balayées, jamais écoutées, puisque c’est bon signe, cela fait table rase. Tout le monde sait mieux que moi ce que je devrais faire. N’ai-je pas pourtant déjà tout essayé… Et il est difficile de se plaindre alors qu’on sait que certaines grossesses s’arrêtent, qu’on en connait la souffrance, on l’a déjà vécu.

Je n’ai jamais pensé à ce moment, je ne l’ai jamais appréhendé. J’ai répété les piqûres, les rendez-vous, les échecs. Je ne pensais plus que ça marcherait un jour. Et c’est pire que tout ce que j’ai connu auparavant. C’est chaque jour, chaque nuit, chaque instant, la sensation d’être malade, et l’angoisse de ne pas savoir quand ça va s’arrêter. C’est toute cette salive qui dégouline de la bouche et fait postillonner. C’est dormir tant qu’au bout d’un moment on ne parvient même plus à trouver le sommeil alors qu’on se sent encore fatigué, mais on a déjà tant dormi…

C’est jongler avec les médicaments, qui fonctionnent un peu puis ne fonctionnent plus. C’est se demander si on ferait mieux de s’arrêter de bosser, mais on n’est pas mieux à la maison. C’est juste plus facile d’aller vomir qu’entre deux patients. Et puis s’arrêter, pour combien de temps, ça ne s’améliore pas de toute façon, au contraire…

Je voudrais que tout s’arrête sans que tout ne s’arrête, je n’en peux plus.

 


27 réflexions sur “Hyperémèse

  1. Quelle épreuve. Pour ma part, avec les mêmes symptômes, le donormyl m’a sauvée du jour au lendemain. Peut être avez-vous déjà tenté, mais on ne sait jamais. Tous mes encouragements les plus sincères

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  2. Je suis vraiment désolée que ça se passe comme ça. Je n’ai pas connu ce type de maux, et ne peut qu’imaginer la difficulté que ça peut être au quotidien. Courage. J’espère que ça va se calmer au second trimestre…!

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  3. Pas de solution à proposer, des yeux qui lisent de façon attentive et avec empathie..
    Juste montrer que “je vois”.
    Courage et soutien à défaut de plus..

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  4. Je crois pour ma part que ta souffrance est certainement entendue par tes proches, pas balayée ni évacuée…souvent les phrases toutes faites ou maladroites sont prononcées pour dire quelque chose même mal car on est tout comme toi demuni face à ta souffrance et impuissant…seules peuvent t’accompagner nos pensées sincères et pleine d amour mais elles aussi inefficaces face à ce que tu traverses…une amie qui t’aime très fort.

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  5. Les nausées matinales qu’ils appellent ça , les petits maux de grossesse qu’ils disent
    Je les aurais tous buter si j’avais eu la force .
    C’est épuisant de rendre son estomac toute la journée , d’être dégoûtée par toutes les odeurs ( même celles qu’on’ adore ).
    J’étais tellement crevée qu’une fois je me suis cassée la figure de mon fauteuil entraînant dans ma chute ( face au patient sinon c’est pas drôle ) le Vidal , le téléphone et le répondeur … et le dit patient qui passe sa tête par dessus le bureau et demande :
    « Ça va docteur ? »
    Je me suis drapée dans mon restant de dignité …
    avec toi donc de tout cœur
    Cécile

    Envoyé de mon iPhone

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  6. Ce fameux premier trimestre m’a fait dire « pas de prochain bébé » ! C’est vrai que c’est insupportable, épuisant, comme une maladie chronique… ô comme je vous comprends…
    Mais un jour, un jour, forcément cela va se calmer…courage vraiment.
    (Et attention conseils que vous n’etes pas obligée de lire/suivre/croire qui m’ont soulagé, moi : gingembre, acupuncture et alimentation à base de fruits quasi uniquement).
    Et je me permets une bise

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  7. Je suis tellement désolée que tu sois encore dans la mauvaise partie des stats. J’espère de tout cœur que la fin du premier trimestre d’apporte du mieux.
    Ps il me semble que tu te renseignais pour du zophren tu as pu voir?

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  8. On est tjrs seul face à ses maux…aussi partagés ces maux puissent ils être… plein de pensées, ce ne sont pas les aspects les plus agréables de cette période, malgré tout ce que cela signifie.

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  9. De tout cœur avec vous, je vous souhaite que cette vilaine période se termine rapidement et que vous puissiez profiter d’aspects plus sympathiques de votre grossesse.
    Vous êtes extrêmement courageuse de travailler encore.
    Recevez mes félicitations et encouragements

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  10. C’est tellement horrible, pour ma première grossesse j’ai été malade jusqu’au 8e mois.
    4 mois à vomir puis Donormyl le soir mais nausées tout du long.
    Vers le 4e-5e mois je sentais bébé bouger et ça a été ma consolation. Je ne souffrais pas pour rien.
    À six mois la préparatrice de la pharmacie m’a limite engueulée quand je suis venue chercher mon ordonnance. « On vous a pas dit que les nausées à trois mois c’est fini ? ».
    Non, et heureusement parce que c’est faux. Je lui ai conseillé de prendre ses renseignement auprès de gyneco en exercice plutôt que du livre de bio de 5e de sa nièce.
    La fois suivante elle était adorable.

    Pas beaucoup d’empathie, comme pour beaucoup de choses après tout.
    Mais j’ai un scoop pour vous : ça vaut le coup. D’ailleurs moi je recommence. Même si ça doit recommencer.

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    1. Et non à 3 mois ce n’est pas fini. Il semble que les choses bougent, mais pas vite. Beaucoup, même chez les soignants, sont restés aux « petits maux de grossesse ». Petits mots qui sont pourtant bien plus que petits…
      Merci. Bon courage pour la prochaine !

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  11. Bon courage! C’est vrai que c’est horrible, et comme toutes les douleurs, après les avoir traversées on se dit « ce n’était pas si terrible », mais pendant, on donnerait n’importe quoi pour que ça cesse juste une minute… J’ai été moins atteinte, mais mon « truc » a été de grignotter des crackers un peu toute la journée, ne jamais avoir l’estomac vide… Il est évident que ce n’est pas quelque chose de si basique qui va vous aider ! Compassion pour vous, et soyez indulgente envers les gens qui disent que c’est bon signe, ils ne savent juste pas comment vous réconforter car le problème est bien là: il n’y a malheureusement pas de réconfort possible! Il faut endurer en gardant en tête que ça cessera… Peut-être au bout de 9 mois, peut-être bien avant, je vous le souhaite!
    Petite question naïve: est-ce qu’il n’y en aurait pas deux ??? (ça pourrait expliquer cette démultiplication du phénomène!)

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  12. C’est très très dur, je sais de quoi je parle… J’aurais pu remplir des bols entiers de salive ! Et comme toutes celles qui sont déjà passées par là, plusieurs fois, tout ce que je peux dire, c’est que ça va s’arrêter un jour. Et que le 5ème mois est une renaissance. Courage, courage…

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  13. pour ma troisième grossesse j’ai vraiment vécu un enfer pendant 4 mois. Je ne pouvais pas ouvrir le frigo sans me retrouver la tête dans l’évier pour vomir. C’est vrai que le donormyl m’a beaucoup aidé 1/2 1/2 1 /J.
    Je devais manger qq chose avant de mettre le pied par terre car si j’attendais 10 min au lit c’était trop tard je pouvais courir aux toilettes. attention quand même à la déshydratation. Mais le moral qu’est ce qu’il en prend un coup… je n’ai jamais été aussi déprimée de ma vie, franchement j’étais au bout de ma vie comme on dit alors je compatis à 1000 pour cent. On ne voit pas le bout quand on est dedans. Et que personne ne s’approche avec des explications psychologiques ! Courage courage courage chaque jour qui passe avance vers le bout du tunnel

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    1. On ne voit pas le bout. On espère qu’à la fin du 3, ça aille mieux, et puis non, et on espère alors qu’à la fin du 4, ça aille mieux, on attend…
      Mais moralement c’est très difficile. Les explications psychologiques c’est pire que tout.
      Merci

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      1. Les explications psychologiques ne viennent que d’hommes… ou surtout de femmes qui n’ont pas traversé cette horreur, ou à la marge, et qui ne peuvent pas s’imaginer l’impact permanent et lancinant sur chaque heure du jour et de la nuit.

        J’aimerais qu’un jour on se penche sur l’hypothèse immunologique pouvant expliquer ce cauchemar de l’hyperémèse. Parce qu’une grossesse, ce n’est finalement rien d’autre qu’une greffe haploidentique, à durée limitée. Beaucoup de femmes développent des anticorps anti HLA contre la moitié de chaque polichinelle qui provient du père, et racontent qu’à chaque grossesse, fausses-couches incluses, ca empire… en parallèle du répertoire anti-HLA. Quel effet ont ces anticorps sur les centres végétatifs centraux, qui peut me répondre?

        Allez, 10 ans de recherche, et on devrait pouvoir répondre Vrai/Faux à mes élucubrations vespérales! Parce qu’il y en a marre, de souffrir pendant les règles, de souffrir de la contraception, de souffrir pendant la grossesse (au choix, l’hyperémèse, les distensions du bassin, le RGO, le nez bouché TOUT le temps à cause du niveau de progestérone), de souffrir à l’accouchement, de souffrir à l’allaitement, de souffrir de la ménopause, puis d’un cancer du sein. Je commence à adhérer au discours féministe qui dit que si les hommes vivaient la même chose, certains crédits auraient déjà été réorientés vers la recherche…

        Mais tout ca ne vous aide pas en attendant, je sais 🙂

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  14. Avez-vous été hospitalisée? En gynéco nous hospitalisions (quelques jours) les femmes enceintes souffrant de vomissements incoercibles, réhydratation, repos, traitement par voie veineuse, elles sortaient vraiment « requinquées ». Je compatis sincèrement et je vous envoie tous mes vœux de courage.

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  15. Bonjour,
    j’ai toujours lu votre blog avec beaucoup d’émotions, depuis plusieurs années déja.
    Je vous souhaite beaucoup de courage dans ces moments difficiles et vous assure que, même si dans la vraie vie les mots sont dérisoires et maladroits, vous avez aussi le soutien de toute la « majorité silencieuse » qui lit votre blog avec bienveillance.
    Même si on ne se connaît pas, je pense fort à vous et espère que vous allez mieux.

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