Coucou des bois

L’arrivée d’un enfant nous a bouleversés. Ma reprise du travail nous a achevés. Notre couple a volé en éclats. Nos épaules se sont affaissées sous la charge des nuits sans sommeil et des jours avec un bébé imposable tout en allant travailler. Une fatigue immense s’est installée, aggravée par l’impossibilité de faire garder le bébé en dehors des moments de travail, parce que Covid. Une solitude pesante, encore plus pesante parce que Covid, n’a pas amélioré la dépression du post-partum qui m’a noyée. Il n’était alors plus possible de se raccrocher à d’éventuelles vacances, puisque voyager n’était plus possible non plus, parce que Covid. Il n’était plus possible de s’accrocher à rien en fait. Il n’y avait plus de bouée de sauvetage. Le mode survie s’est imposé : tenter de survivre à la colossale dette de sommeil, tenter de ne pas se noyer sous la culpabilité de mal faire, tenter de travailler quand même, tenir debout, juste tenter de tenir debout.

Le parcours de PMA est un parcours douloureux, mais nous avions la tête dans le guidon, les dates, l’espoir. Surtout moi. Je gérais des dates, des traitements, finalement c’était facile. Mais rien ne prépare à un enfant qui a mal, qui tète mal, qui ne dort pas, qui hurle dès qu’on le pose. Rien ne prépare à l’explosion de la bombe.

Ce matin, pendant que Jean-Kévin dort encore, je fais le point sur les derniers mois. Nous avons mis des mots sur la déflagration et sur les blessures qui l’ont suivie. Je regarde les puzzles qui trainent par terre, puzzle où Jean-Kévin emboite des petits animaux dans des planches. Nous aussi, nous tentons de remettre nos petites pièces dans la plaque du couple.

Je profite du calme, après cette nuit plutôt bonne pour moi, un espoir pour la suite, après tous les efforts, après les diagnostics, enfin, avec du soutien. Je savoure mon thé, sans que quelqu’un cherche à le renverser. Je regarde dans le jardin les coucous des bois, leurs jolies petites fleurs jaunes, que Simon a soigneusement contournées avec la tondeuse. C’est sur ce genre de petites attentions que nous allons prendre appui pour sortir de l’eau.


10 réflexions sur “Coucou des bois

  1. Encore un texte magnifique… Courage à toi, à vous, dans la traversée de cette épreuve. Je ne vous connais pas « en vrai », mais j’ai toujours trouvé votre couple très beau par ce que tu en livres sur ces pages, et je vous envoie tout mon soutien.
    Grosses bises.
    Aurélie.

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  2. Ah oui, maintenant je me souviens : la fatigue qui me clouait au lit à 22h, avec mal à la tête, aux jambes, aux bras, dans le ventre et dans les os, les crises d’énervement, les reproches que j’adressais en sourdine à l’ »autre », celui qui ne participait pas assez, et ce sentiment que ça n’allait jamais cesser, que le bout du tunnel n’était ni possible ni envisageable ! tout ce que j’ai oublié depuis!!!! cela me parait un moment pittoresque et somme toute heureux de nos existences!

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  3. C’est tellement difficile l’arrivée d’un enfant ! Dans les moments les plus durs,quand j’ai envie de pleurer, je me raccroche à deux choses : je l’ai tant voulu,tant attendu, tant espéré ! Voulu quoi ? Être mère. Eh bien être mère c’est ça. C’est ces moments là aussi. Je savais que ce serait dur par moments. Et puis que ça passera. Que ça n’a qu’un temps. Que bientôt, tellement bientôt, il ira en maternelle et je ne le verrai plus qu’une heure le matin et une heure le soir, et je me demanderai où est passé mon bébé. L’enfance ça dure quoi, dix ? Douze ans ? C’est RIEN si je regarde en arrière. Alors je monte dans le manège, je fais mes quelques tours de planète avec lui, vertige, trouille gerbe et euphorie tout le tintouin et j’en profite À FOND. Ça va être fini tellement vite. …

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  4. Je revois mon père me dire à plus de 80 ans « les plus belles années de la vie, c’est quand on a les enfants ». On le comprend, mais on ne le ressent qu’un peu plus tard.
    Et sinon, y a pas une grand-mère, une tata, qui prendrait parfois l’enfant pour vous offrir une nuit de vrai sommeil ?

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  5. 3 ans sans sommeil (sans nuits hachurées) et sans aucun relais derrière moi, comme je te comprends. Moncheri m’a reproché de ne plus faire partie de ma vie, et c’était vrai. Mode survie enclenchée : en premier les besoins vitaux des enfants, ensuite si possible les miens, le reste du temps en boule (ou en pls au choix)…. lui est adulte, il est autonome alors oui je l’ai laissé sur le bord de la route mais heureusement pas très loin, on a peut pièce par pièce comme tu dis, petit moment par petit moment reconstruire qqch. Il y a des petits rechutes ou je ne communique plus, petit rappel à l’ordre de monsieur (attention t’es en mode survie) et on recommence à re tricoter notre vie de famille.
    L’amour a l’air tjs présent alors garde précieusement chaque pièce de puzzle, se retrouver est possible, le puzzle n’a pas le dessin prévu mais il forme tout de même une jolie photo de famille.

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    1. J’osée à peine poser la question, mais est-ce que Monsieur Papa vous aide à « survivre »? Genre en se levant la nuit régulièrement pour que VOUS puissiez dormir ? Ça aide bien, quand le Papa prend en charge l’enfant qui est aussi le sien,après tout on ne l’a pas fait toute seule ! 😉

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      1. Oui papa est très aidant. Mais on a eu 2 rapprochés (le fameux bb surprise post pma) et donc on a enchaîne un bb qui ne faisait pas ses nuits avec 2 enfants ne faisant pas leurs nuits (là c’était chacun le sien) Puis la dernière qui a commencé à dormir vers 3 ans…. avec tout ça il y avait un aîné à gérer donc chacun a fait sa part mais ça restait bien bien dense tout de même…

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