Treize octobre. Vingt-deux degrés.
Installée au soleil sur la terrasse, je repose le livre de Philippe Squarzoni, Saison brune. Un état des lieux de la situation climatique. Factuel. Déprimant. Catastrophique.
L’automne, saison des pluies.
Le soleil me brûle la peau. J’hésite même à ouvrir le parasol que je pensais pourtant ranger il y a déjà un mois. Les arbres et arbustes de la propriété sont secs, excessivement secs. Le saule perd bien plus de feuilles et branches que l’an passé. Pourtant il est loin de la fin de sa vie. En face, les champs oscillent entre l’ocre et le marron, desséchés. Il ne pleut pas depuis plusieurs mois. Oh il y a bien eu quelques jours, mais comme dirait un de mes patients agriculteurs : c’est comme si vous faisiez une randonnée sous le soleil en ayant oublié votre eau, si à l’arrivée on vous donne un demi-litre, vous êtes toujours assoiffé.
Un vieux patient me disait tout à l’heure qu’en 1912 puis 1947, c’était déjà comme ça. Ces années, c’est « juste » un peu plus fréquent.
Moui. Juste.
Cet été, des poissons de lacs sont morts ici, en grande quantité, comme cuits dans ces eaux qui ont surchauffé. Les alpages ont été ravitaillés en eau par hélicoptère, une hérésie dans ces régions de montagnes riches en sources. Il n’y a pas suffisamment de foin stocké pour l’hiver. Déjà, certains ont abattu des bêtes.
D’ici 2060, nous n’aurons probablement plus d’essence. Faudra-t-il attendre cela pour une prise de conscience ? Combien de degrés supplémentaires d’ici là ? Combien d’incendies ? D’ouragans ? Quand verrons-nous arriver vraiment les maladies dites tropicales dans nos pays occidentaux ? Combien de populations migrant pour cause de chaleur ou montée des eaux ? Combien de morts ? Quelles épidémies ? Quelles guerres ? Pour quelles ressources ? Pour l’eau ?
Il faudrait faire quelque chose, bien sûr. Réduire nos consommations. Changer nos modes de vie. Changer notre façon de penser.
Sous mes yeux, les spas. Combien, en équivalent carbone ?
Devant la maison, ma voiture, 4×4, pour l’hiver, pour la neige. Combien ?
Dans un mois, les vacances, en avion, pour chercher du soleil, alors que finalement pour le moment, de ce côté, on est plutôt servi. Combien ?
A l’intérieur, une nouvelle salle de bains, rendue nécessaire par un dégât des eaux. Mais là aussi, combien ?
Mon ordinateur, au travail, en veille. Combien ?
Etc.
Il faudrait faire quelque chose. Évidemment.
On tente le zéro déchets, on composte, on installe des panneaux solaires, on réfléchit sur un système de chauffage optimisé, on limite les déplacements, on roule en vélo, on utilise le four ou la machine à laver quand les panneaux solaires produisent, on plante des arbres, on prend des douches plus courtes, on achète local, on fait un potager, on…
Et puis, à la télé, ces émissions qui montrent ces piscines extraordinaires construites pour des particuliers, ou ces maisons individuelles où tout est beau, parfait, immense, cher, en matériau de luxe apporté de l’autre bout de la planète ou encore un documentaire sur Las Vegas, la démesure, le superbe, mais les machines à glace qui fuient à chaque étage d’hôtel, les lieux ultra-climatisés… Ou encore ces reportages sur les stars, ces spécialistes du gaspillage, des voyages en avion, la démesure ici aussi. Tout cela montré comme des buts à atteindre.
Il faudrait faire quelque chose, certes. On fait des gouttes d’eau alors que le problème est un océan. Et puis ce n’est pas pour tout de suite. Nous serons morts avant. Et puis on s’adaptera. Au cas où, quand même, il faudrait peut-être faire quelque chose…
Il y a cette conviction douloureuse que nous n’y arriverons pas. Il suffit de lire les journaux. Trump qui nie le changement climatique, dans le pays le plus producteur de CO2. Les gros titres bien imbibés des nationalismes montants partout. L’ère du chacun pour soi. Le capitalisme, qui ne sera jamais écologique, puisque la croissance lui est nécessaire.
Il faudrait faire quelque chose mais n’est-il pas déjà trop tard ?
Nous sommes le 13 Octobre, il fait vingt-deux degrés.
Cela ne fait-il que commencer ?
sans vouloir faire l’autruche, je pense qu’il faut faire de son mieux à son petit niveau et ne pas aller regarder chez les autres…
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Mais nous subirons tous. Il est impossible de ne pas regarder car cela saute de plus en plus à la figure…
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Oui ça ne fait que commencer. Oui on pourrait faire quelque chose si tout le monde s’y mettait, nos gouvernants en tête. Mais non rien ne sera fait.
Alors on agit a notre échelle, on fait des efforts inutiles car trop isolés mais on aura au moins fait quelque chose.
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Engagée dans le zéro déchet/la déconsommation/le local/etc. depuis 4 ans, depuis ma prise de conscience… Au départ, j’étais optimiste, et puis de moins en moins. La déprime me gagne quand je vois mes efforts anéantis par tant de gens qui s’en fichent royalement, qui ne voient pas forcément où est le problème, qui me rigolent au nez : « C’est pas toi et tes lingettes lavables qui vont changer la face du monde ! ». Ce qui n’est pas juste, c’est qu’on va tous trinquer (à des niveaux différents certes, mais nous sommes tout de même sur la même planète). Je pleure pour les générations futures, pour nos enfants. Mais je continuerai mes efforts, tant pis si l’impact est dérisoire…
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