Je m’assieds sur la marche, je souffle sur mon thé. Je contemple les premiers rayons du soleil qui commencent à éclairer le haut des sapins. J’écoute les oiseaux. Je suis fascinée par ce vert si intense des prairies de la colline d’en face. J’écoute brouter les vaches, doux bruit à cette heure. Il n’y a pas un seul nuage dans le ciel. Il n’y a que le calme. Le Vieux est déjà dans les champs, il relève les pièges à souris, il boîte. C’est étrange, personne ne semble avoir rentré les poules hier soir, et l’une d’elles s’est une nouvelle fois échappée chez nous.
Tout à l’heure, quand je jardinerai, le Vieux s’arrêtera et viendra me parler. Je ne comprendrai pas tout, le patois est trop compliqué pour moi, peu importe, nous discuterons du prix du lait, il dira d’abord qu’il n’est plus au courant, à son âge, puis il me listera les différents prix d’achat des fromageries des alentours, au centime près. Plus tard, l’Agriculteur viendra nous proposer de nous aider pour refaire la clôture. Il rira de mon amour des fleurs. Il me parlera des factures des médecins et de mon cabinet où il est suivi par Associé. Il me remerciera encore pour les bancs que nous lui avons donnés.
Puis j’irai fabriquer des étagères pour l’étable, tenter de ranger un peu le bazar qu’elle contient. Simon me tiendra l’échelle et j’irai faire le compte du bois entreposé dans le rural. J’étendrai une lessive ou deux. J’arroserai les fleurs. Je bêcherai le potager. Puis nous irons faire un grand tour à vélo, pour contempler la neige encore sur les sommets, tranchant avec les fleurs jaunes et l’herbe verte des champs.
Quand nous rentrerons, je m’assiérai à nouveau sur la marche, pour boire mon verre d’eau avec des glaçons. Le soleil aura tourné, le vert des champs sera différent. Godzilla viendra s’étaler à mes pieds. La journée aura passé.
C’est sur cette marche que j’ai compris, quand nous avons enlevé le banc pour les travaux, quand je m’y suis assise pour la première fois, que je me sentais ici comme là-bas. Là-bas où j’ai longtemps rêvé de vivre. Là-bas où sont mes plus beaux souvenirs d’enfant. Mais là-bas je n’aurais jamais pu travailler dans de bonnes conditions. Il y a ici le vert des champs, le bruit des tracteurs, l’odeur des vaches, l’accent des paysans, l’isolement relatif dont j’avais besoin. Il y a ici dans l’air une sensation d’être chez moi, d’être rentrée au port, même s’il n’y a pas la mer. Le souvenir de moments d’enfant.
En posant mes fesses sur la marche, j’ai compris qu’en venant ici, dans cette maison, c’est une part de là-bas que j’ai trouvé, celle que j’ai longtemps cherchée, un endroit où le temps s’écoule avec douceur.
Merci pour cette douceur, la douceur de vos écrits, de vos récits. Je me délecte de vos paroles comme on se délecte d’un délicieux thé aux parfums subtiles. J’essaye moi aussi de plus en plus de prendre pleinement conscience de l’environnement qui m’entoure, des petits bonheurs tout simples qui en émanent.
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